Un confinement rempli d'abus

J’habite dans une ressource d’hébergement pour les gens qui ont des problèmes de santé mentale. Le confinement qui nous a été imposé lors de la première vague était excessivement strict. Nous n’avions pas le droit de sortir du tout de la maison. Bien que les autorités invitaient les gens à sortir prendre une marche « pour ne pas devenir fous », nous - qui avons des problèmes de santé mentale - ne pouvions le faire.

J’ai demandé à mon psychiatre et à mon travailleur sociale qui étaient les gens qui décidaient des mesures imposées dans les ressources d’hébergement. Ils n’ont pas été capables de me répondre. J’ai voulu savoir quels indicateurs étaient utilisés pour déterminer si nous pouvons sortir ou non, personne n’a pu me répondre.

Après plusieurs démarches pour savoir comment était géré notre confinement, on m’a dit que les ressources pour patients en santé mentale étaient soumises aux mêmes règles que les CHSLD et les résidences pour personnes âgées. Le problème ici est que nous n’avons pas les mêmes fragilités que les personnes âgées. Celles-ci ont une santé physique très fragile due à leur âge avancé. Par conséquent la moindre exposition au virus peut avoir des effets dramatiques chez eux. Nous, patients en santé mentale, n’avons pas ce problème. Nos besoins sont différents de ceux des personnes âgées. Pour nous, être confinés a des effets dévastateurs! Si au moins on avait pu aller prendre une petite marche comme le recommandait le Dr. Aruda.

Durant les dernières semaines de confinement, une intervenants de Louis-Hippolyte venait prendre des marches avec nous à l’extérieur. Parce qu’on ne nous faisait pas confiance pour respecter les règles sanitaires, on nous imposait un chaperon. Pour les patients autonomes comme moi, c’est abrutissant!

Nous sommes aujourd’hui le 30 septembre 2020 et j’apprends à l’instant que nous sommes à nouveau totalement confinés comme lors de la première vague. Je me tiens au courant de l'actualité et je n’ai pas entendu le Premier Ministre dire que certaines personnes étaient confinées. J’ai bien l’impression qu’en ce moment, le confinement qu’on nous impose soit de l’abus.

Je suis écoeuré de voir que la psychiatrie se vante de travailler pour rendre les patients autonomes et qu’elle n’a aucune hésitation à nous retirer notre autonomie. Je suis assez autonome pour sortir en respectant les mesures sanitaires à l’extérieur. Pourquoi m’en empêcher? On m’a souvent dit “si on te laisse sortir, c’est injuste pour les patients qui ne sont pas assez autonomes pour sortir.” Mais quelle connerie! Ce qui est injuste est de me faire traiter comme si je n’étais pas autonomes. Laissez sortir ceux qui sont autonomes et responsables et confinez ceux qui ne le sont pas.

J’oubliais: il y a à la ressource où j’habite un patient qui est aux études. Et bien lui peut aller à l’école! Il peut aller s’enfermer dans un lieu hautement propice à la contamination mais moi je n’ai pas le droit d’aller prendre une marche seul à l’extérieur (ce qui représente très peu de danger). Trouvez l’erreur…

La façon dont on gère notre confinement est de l’abus. On nous impose des mesures qui vont rendre malades beaucoup de patients. La sagesse voudrait qu’on apprenne à fonctionner avec un risque dans notre entourage. On choisit de nous enfermer. J’espère qu’on a prévu beaucoup de lits dans les départements de psychiatrie… ils vont vite se remplir.

Un citoyen de Montréal

Anne-Marie BoucherCOVID