Quand les soins en psychiatrie contribuent à augmenter notre souffrance

Cet automne, nous avons beaucoup entendu parler de la prévention du suicide. Ainsi que certaines personnes qui se sont suicidées après avoir été chercher de l’aide. Tous les organismes pour la prévention du suicide s’entendent pour dire que lorsque cela ne va pas, il vaut mieux en parler et aller chercher de l’aide. Mais, quelle aide est offerte, est-ce qu’elle est adéquate ? En ce qui me concerne, la réponse est non, étant donné la façon dont on m’a donné les soins lorsque j’ai demandé de l’aide.

L’année dernière, j’ai été hospitalisée pour un stress post traumatique avec dépression majeure. Je n’avais pas attenté à ma vie mais je me préparais à passer à l’acte. Par conséquent j’ai pris mon courage à deux mains en demandant de l’aide à l’hôpital. Non seulement ils ne m’ont pas donné les soins requis, et ce que j’ai reçu comme « soins » étaient plus qu’inadéquats puisqu’ils ont contribué à augmenter ma souffrance en me faisant revivre ce que j’avais vécu lors de mon viol collectif (la littérature définit ce concept comme étant de la victimisation secondaire par les pratiques psychiatriques).

D’abord, lorsque je suis arrivée à l’urgence pour demander de l’aide ils m’ont fait rencontrer une psychiatre de garde dont l’entretien a duré 5 minutes seulement et qui m’a diagnostiqué une dépression majeure. Comment, elle a pu évaluer la situation en 5 minutes et voir toute la problématique ? Par la suite, elle a fait l’admission à l’unité de soins psychiatrique avec des personnes qui sont atteints de toutes sortes de problématiques. Une fois arrivée sur l’unité, on m’a expliqué les règlements et l’on m’a annoncé qui serait ma psychiatre attitrée, celle-ci, je la verrai seulement dans quatre jours. Quant aux infirmières, elles font leurs tournées à chaque 10 minutes pour voir si tu ne t’es pas pendue avec le rideau et elles te donnent ta médication. Aucune infirmière ne m’a parlé pour savoir comment ça allait, d’ailleurs, pourquoi elles le feraient, elles ont ton dossier et tout y est inscrit dans ce dossier. Dans la nuit, c’est encore pire, le personnel homme ou femme vient dans ta chambre aux 10 minutes, ils refusent que tu fermes ta porte, je leur ai expliqué que j’avais peur, ils me répondaient que c’est le règlement et si je ne respectais pas le règlement on me donnerait une médication pour me calmer. Jamais ils ne se sont intéressés à ce que je vivais et pourquoi j’avais peur. Pire, ils me faisaient revivre mon viol puisque, lors de mon viol j’ai été enfermée dans une chambre durant plusieurs jours et lorsqu’une personne venait dans ma chambre c’était pour me violer. Non seulement je n’ai pas eu de soin mais ils ont augmenté mes souffrances. Imaginez, je m’étais présentée à l’hôpital pour éviter un passage à l’acte. J’ai voulu demander de l’aide et comme toute réponse on m’a hospitalisée, donné de la médication, mais on a oublié l’essentiel : m’accueillir et m’écouter. La souffrance ne peut pas se régler qu’avec un comprimé avalé dans le cadre d’une hospitalisation…

Les personnes qui sont en détresse ont besoin de soutien, de respect, d’être compris, d’empathie et d’être écoutées. Ce que je n’ai pas eu. En effet, après 48 heures, je me suis rendu compte que les soins n’étaient pas adaptés à mes besoins. Par conséquent, j’ai demandé mon congé. Cependant, il a fallu que je menace d’appeler mon avocat si je ne voyais pas une psychiatre pour me donner mon congé. Par la suite j’ai été chercher de l’aide en privé. Mais j’imagine, si je n’avais pas eu d’argent, je n’aurais pas été capable de m’offrir l’aide psychologique, dont celle-ci coûte 80$ par séance. Le CLSC peut nous l’offrir mais nous devons attendre et être sur une liste d’attente mais lorsque l’on est en détresse on n’a pas le temps d’attendre. Il y a urgence. En ce qui concerne les maisons de crise, elles sont excellentes, cependant elles sont inappropriées pour les personnes en stress post traumatique relié au viol puisqu’elles sont mixtes.

En conclusion, le manque de soins en psychiatrie est frappant. Il n’est pas relié à un manque d’effectif. À mon avis l’explication est reliée au manque total d’empathie, de compassion et de compréhension de l’autre sans jugement. Il est questionnable de voir que les personnes demandant des soins en psychiatrie puissent se retrouver autant discriminées et stigmatisées par le même personnel qui devrait les accompagner dans leurs souffrances.

J’espère qu’on pourra un jour faire une enquête sur les soins psychiatriques. Il est temps de se questionner sur les soins offerts aux personnes qui sont en détresse. N’oublions pas que le taux de suicide au Québec est très élevé par rapport à l’échelle mondiale. Les soins doivent être globaux pour redonner le goût à la vie. Les soins doivent être donnés avec compassion, empathie et compréhension de l’autre, sans jugement. Les antidépresseurs sont un outil mais ne remplaceront jamais le contact humain. En espérant que ma lettre sera lue et qu’elle pourra sensibiliser le ministre de la santé et les médias à la problématique de la santé mentale.

Une citoyenne de Montréal

Anne-Marie BoucherViolence