Le désespoir des invisibles

Si je suis juste une droguée de l'âme,
Si je suis juste un corps, une pute, une traînée,
Si je suis juste une crisse de folle,
Si je suis pas assez belle ou bien habillée,
Si j'ai jamais senti qu'on voulait de moi quequ' part,
Si j'ai toujours faim le ventre vide le soir,
Si la seule attention qu'on m'donne c'est des claques sa gueule pis sul coeur,
Si même à mes yeux j'ai pu d'valeur,
Si ma voix est tellement brisée par ma rage ma colère pis la boule de tristesse au fond de ma gorge,
Que j'étouffe mais jamais assez pour en mourir,
Que j'fais même pu confiance aux étrangers et...
Si j'ai déjà demandé de l'aide pis qu'on m'a ris au nez,
Demande toi pas pourquoi j'pars pis j'reste enfermée.

Chu allée à l'hospice talle des mal zélés,
J'ai réexpliqué qu'on m'avait décousu pis arraché ma rembourrure,
Qu'on m'avait dévisser mes vis pis que ça tournait pu rond dans leur monde,
J'ai expositionné mon âme à nue,
Pis désapprivoisé mon honneur.

Ils m'ont dit que j'étais désimpressionnée,
Que j'avais un grand trou noir et qu'il fallait le remplir avec de la médic action

Dans une danse de nuances qui se chevauchent dans mon esprit,
Naissent et meurent en saccades, désir, rêve, besoin, ironie.

Le système il tient à son D,
Il tient qu'à un fil.
Le problème quand on devient trop bien,
C'est de plus savoir comment faire autrement,
Il faut réapprendre à endurer beaucoup de chose qui font trop mal en dedans pour se déloger.
Aurions nous à faire sécher les roses,
Pour espérer garder quelques pétales,
Le souvenir de leur couleur effacée,
Mais pourquoi au départ les avoir coupés,
Vouées a une mort certaine au oindre toucher,
Seul leur corps flétrit témoigne silencieusement,
De leur souffrance et du destin dont nous les avons privés,
Une par une, les fleurs seule disparaissent,
Et il n'en reste que les épines.

Brille

Une citoyenne de la Montérégie

Anne-Marie Boucher