Ce silence devant l'indicible, ce silence qui rend fou

En 1977, un des pires criminels au Québec s'introduisait dans notre calme maison familiale , y volait ma mère alors seule, et repartait en la laissant "mourante", selon la version la "moins pire" qu'un ami ne m'a rappelé que 40 ans plus tard, en 2017. Retrouvée morte par mon père, la police croit d'abord à un accident. Le choc passé, on constate le lendemain qu'il s'agit d'un vol: ma nombreuse famille oscille entre l'atterrement et une folie vengeresse, mais dans un Silence insupportable, qui en fait, ne s'est jamais arrêté depuis 41 ans. Aucune offre de thérapie dans les premières années, on parlera de "Rien à faire...".

Grâce au progrès de la Police scientifique, l'assassin est retrouvé en 1991 et condamné en 1993 à 2 ans de prison additionnelle (étant donné un meurtre précédent). Après avoir tout fait pour sublimer ma douleur, en 1983, j'étais le premier de ma famille qui connaissait une dépression, tous les autres survivant à leur façon au cours des ans. Durant cet épisode, je défendais auprès des thérapeutes que j'étais "le seul à vouloir porter la mémoire de ma mère", ce que je crois en partie vrai à ce jour. Dans un geste préconscient et salvateur, j'annonçais en 1985, lors d'une réunion des 120 membres de ma grande famille paternelle, que je sollicitais l'aide des intéressés pour faire la généalogie de notre famille: silence radio, sauf une tante qui s'exclamera "Y a peut-être des choses qu'on veut pas savoir!?!" (Rires général).

En 2004, la providence me met en contact avec un petit-cousin passionné de généalogie et un ex- employeur, une sommité mondiale de généalogie: les deux me donnent "en cadeau" les deux arbres complets de mes familles, maternels et paternels. Je sais maintenant l'histoire (fascinante) de mes familles et je peux ainsi rendre grâce à ma mère, à mon père, à mes aïeux . Mon intérêt pour la généalogie a toujours été psychosocial, historique, et m'a permis de plonger dans la psychanalyse de nos comportements actuels, les atavismes des générations (et oui...). Il serait trop long de vous énumérer ce que j'ai découvert (de Larochelle, en fait Taillebourg, Charentes, au XVIIième) à ici 2018. Tous ces actes manqués (amoureux, relationnels, carrière) que j'ai répété, "appris" de tel grand-père ou tel autre, et que je souhaiterais tellement "éviter" à mes enfants...

Je parle de ma mère le plus souvent possible à ma conjointe, à mes enfants, à mes frères et soeurs qui se font vieux, je l'évoque. C'est la première fois ici que je m'exprime sur ce silence qui rend Fou, qui rend Fou les Victimes Aliénées. Au contraire d'un journaliste connu et bien intentionné qui voulait faire en 2010 un documentaire sur "l'Histoire Incroyable du Meurtre de ma Mère", je demande à toute personne ayant lu mon texte de ne pas se livrer à des commentaires non-contribuants, voire indécents: le silence peut aussi guérir. Seuls les mémoires de notre mère nous ramèneront notre mère, et pour chacun, nos Mères à Tous.

Un citoyen de Montréal